Andreï Roublev, le film

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Un avis…

  Andreï Roublev  de Andreï Tarkovski, est un film qui aborde le thème de la quête d’une manière atypique, bien loin des épopées auxquelles nous sommes généralement habitués.

   L’histoire est celle d’un moine qui court une Russie dévastée par les hordes tartares, elle raconte l’itinéraire d’un homme avant qu’il ne devienne peintre d’icônes… avant qu’il ne trouve l’état pour devenir peintre d’icônes

   Son parcours s’apparente à une longue errance qui pour lui durent plusieurs décennies, pour nous environ trois longues heures pendant lesquelles se déploie un univers en noir et blanc : théâtre de guerres, de massacres et de souffrances, de brume, de boue et de sang… Tout  s’y présente avec une extrême lenteur : témoignage d’une existence sans joie qui semble passer par une lente « décomposition »… C’est un film qui maltraite son personnage et jette le spectateur dans les affres de l’ennui et de la stupeur.

  Certes, un peu avant le final, quelque chose frémit, une histoire se construit autour d’un enfant, lui aussi malmené, crotteux, autoritaire et menteur que les circonstances amènent à conduire un chantier : la fabrication d’une cloche monumentale. Et le récit s’achève là, sur ce bien faible halo : assaut avorté de la joie qui ne parvient pas à soulever les cœurs…

   Mais ce film, un peu comme ces livres qui réservent leur dénouement en une ultime phrase, est de ceux qui se magnifient au dernier instant. On comprend alors tout, on comprend qu’il était embrasé d’une lumière que nous n’avons su voir, des forces valeureuses étaient à l’ouvrage, un feu clarifiait la matière ; là où nous ne voyions que boue et sang, la vie était obstinément, inlassablement vénérée.

   Et cette révélation, par ce qu’elle a de soudain, est bouleversante ; le spectateur, en quelque sorte atterré par cette longue désespérance, est happé de la manière la plus sidérante et la plus heureuse. C’est la force de ce film de nous mener ainsi, nous confronter à ce désastre, nous éreinter, nous épuiser pour mieux nous préparer à sa révélation ; film audacieux, s’il en est, qui procède par épuisement pour nous ravir ; et qui  y réussit en maître.